1907. L’homme qui a fait feu sur la soldatesque chargeant la foule parisienne du 1er mai, cumule les aprioris d’une époque marquée du sceau de l’insécurité. Il est Juif. Il est Russe. Pire, il est anarchiste et, un peu plus de dix ans auparavant, les bombes de Ravachol, Vaillant, Henry terrorisaient l’hexagone. Il s’appelle Jacob Law. Il est né à Balta, en Bessarabie (aujourd’hui Moldavie) en 1885. C’est un étranger, maitrisant mal la langue de Voltaire et revendiquant hautement son acte de propagande par le fait. La cour d’assises de la Seine le condamne le 9 octobre à quinze ans de travaux forcés. L’espérance de vie du bagnard, à son arrivée en Guyane, ne dépasse guère cinq ans. Law passe dix-huit années dans l’enfer pénitentiaire et colonial.
Né à Balta en Transnistrie, il a fui les pogroms lorsqu’il était enfant. Il vécut deux ans à Odessa avant d’émigrer en 1905 à New York. Il tente sa chance à Liverpool puis s’installe à Paris. Law dit être devenu anarchiste en lisant à Odessa un poète anarchiste yiddishophone, David Edelstadt. Il revient du bagne en 1925 et fait paraître son livre de souvenirs qui offre une vision particulièrement dantesque des camps de concentration français. Après la parution de son ouvrage Law est expulsé de France Nous ignorons comment il finit ses jours. Il parait assuré qu’il soit retourné en Europe de l’Est mais là il a dû affronter les sévices du stalinisme.