Jacques Sautarel

Né le 5 janvier 1870 à Lladó (province de Gérone, Espagne), mort à une date inconnue. Fils de Jean et de Marie Tresent (de nationalité espagnole), marié à Marie Tixier (née à La Châtre en 1870), deux enfants : Lucien (mort en 1917) et Carmen. Bijoutier et écrivain.
Jacques Sautarel nia toujours son implication au sein des Travailleurs de la nuit. Il ne cessa jamais d’affirmer avoir rencontré Alexandre Jacob pour la première fois lors de leur détention commune à la prison d’Abbeville en 1904. Tout concourt pourtant à donner un rôle important au bijoutier anarchiste dans la bande d’illégalistes. Les aveux de Joseph Ferrand lors de l’instruction en vue du procès d’Amiens (du 8 au 22 mars 1905), les déclarations de la concubine de celui-ci (Gabrielle Damiens) le mirent formellement en cause. C’est d’ailleurs chez lui que cette dernière se rendit le 9 janvier 1903 pour y déposer les produits d’un vol commis par son amant à Bourges quatre jours plus tôt.
C’est encore lui que le police signala à Sète en février 1902 en compagnie d’Ernest Saurel, chez qui Alexandre Jacob forma sa première brigade de cambrioleurs. C’est enfin le nom de Sautarel que l’on retrouve dans l’affaire du vol du bijoutier Bourdin le 6 octobre 1901. Le cambriolage de la rue Quincampoix est demeuré célèbre par son mode opératoire. Alexandre Jacob et ses complices (Honoré Bonnefoy et Jules Clarenson) percèrent un trou dans le plancher de l’appartement sis au-dessus de celui de Bourdin et, à l’aide d’un parapluie, purent l’agrandir sans bruit et sans éveiller les soupçons du voisinage. Le butin s’éleva à plus de 120 000 francs. Jacques Sautarel fut l’employé de Bourdin pendant un an et demi. Condamné à cinq ans de travaux forcés par la cour d’assises de la Somme, il fut acquitté en appel à Laon le 1er octobre 1905. La presse dénonça le scandale de « l’affaire Sautarel » et fit campagne pour sa libération (L’Humanité, Le Temps, Germinal, Le Libertaire) en niant la collusion avec la bande Jacob.
Les Travailleurs de la nuit professèrent pourtant les mêmes opinions anarchistes, individualistes et illégalistes que lui.
Jacques Sautarel ne fut néanmoins pas toujours libertaire. Comme Sébastien Faure, qu’il admirait, son parcours fut d’abord empreint de religiosité. Jusqu’à l’âge de 18 ans, il vécut à Perpignan où il se fit remarquer « par sa douceur et sa piété ». En 1888, il s’établit à Paris, se maria avec Marie Tixier (fille d’un marchand de charbon) mais se brouilla avec son beau-père du fait de sa récente conversion aux idéaux libertaires. Désigné dès lors par la police comme « anarchiste exalté », il retourna pendant quelques temps vivre à Perpignan et à Sète avant de se fixer une nouvelle fois dans la capitale en 1894.
Deux ans plus tard, il organisa deux tournées de conférences, en compagnie de Sébastien Faure et de Louis Matha, en Aquitaine et à Toulouse. Jacques Sautarel versa aussi dans la propagande écrite. Il collabora en 1898 à l’éphémère mensuel Le Libre où nous pouvons retrouver les signatures de Manuel Devaldès, de Paul Adam, de Han Ryner ou encore de Laurent Tailhade. Cette année-là encore, sa brochureQuand égorgerons-nous enfin ?, dédiée à Charles Malato, provoqua sa fuite et son arrestation en Espagne.
En 1903, dans Le Pacte, il mit au point un roman sur fond d’illégalisme. Sa déclaration L’Homme, publiée à l’occasion du procès des Travailleurs de la nuit en 1905 dans le n° 12 de la feuille picarde Germinal, justifie le vol et l’illégalisme par le droit naturel à l’existence : soit « un vent de justice que le socialisme né d’hier universalise » dans un monde où « chaque espèce use de ses propres moyens de défense ».
Le cas Sautarel prouve que les Travailleurs de la nuit sortent du cadre simple, classique et réducteur de l’affaire criminelle. Il révèle une activité politique ayant l’anarchie pour base théorique et le vol comme vecteur pratique. Mais, malgré de fortes présomptions, peu d’éléments viennent étayer par l’entremise de Jacques Sautarel un lien possible entre les intellectuels et les voleurs du mouvement libertaire français.
Auteur encore d’États d’âme en 1895, de Philosophie du déterminisme en 1896, ou d’Amants en révolte en 1897, Jacques Sautarel sembla se tenir calme après les procès d’Amiens et de Laon. Sa renommée littéraire ne dépassait pas le monde des anarchistes. L’homme vécut toutefois confortablement de son métier. Selon la police, « il paraît faire d’assez bonnes affaires » dans son magasin parisien à l’enseigne Germinal. Cette aisance lui permit de se consacrer à l’écriture et d’aider Marie Jacob dans les démarches que cette dernière entreprit pour faire sortir son fils du bagne à partir des années 1920.
Jacques Sautarel se signala encore en 1921 comme secrétaire de la 9e section de la Fédération de la Seine du Parti communiste. Il fut alors, à l’image d’un certain nombre d’anarchistes, un temps attiré par la révolution soviétique malgré la répression de la rébellion ukrainienne et makhnoviste. Sautarel était à cette époque proche du couple Humbert mais aussi des pacifistes français (son fils mourut au front en 1917).
Ayant résidé un court moment à Perpignan en 1925, il dirigea dans cette ville une éphémère revue, Le Bonnet catalan, qui prit une part active à la campagne de presse pour faire libérer Alexandre Jacob.
Revenu à Paris, Jacques Sautarel se contenta par la suite de la publication des ses ouvrages à caractères sociaux (La Félicité du pauvre, 1930), néo-malthusien (Un viol), ou encore antireligieux (Le Satanisme de Dieu, 1939). Nous perdons sa trace après 1944.
Source : Daniel Vidal, Dictionnaire Maitron des anarchistes