Né à Saint-Gilles (Gard) le 18 septembre 1885, se suicide le 3 août 1949 à Bayonne ; anarchiste du Gard, ancien des Bataillons d’Afrique et du bagne de Cayenne.
Enfant de Henri Roussenq (appariteur à la mairie de Saint Gilles) et de Magdelaine née Pelouzet, Paul Rousenq quitta ses parents à l’âge de seize ans. Il fut influencé par la lecture d’ouvrages anarchistes. Vagabond, il fut condamné à six mois de prison avec sursis le 6 septembre 1901 par la cour d’Aix en Provence. Condamné une première fois à Chambéry à trois mois de prison pour vagabondage, le 5 mars 1903 le même tribunal le condamna à cinq ans de prison ferme après qu’il ait jeté un croûton de pain au visage de l’avocat général, Orsat. De 1903 à 1907, il fut enfermé à la prison de Clairvaux, dans l’Aube. Le 8 octobre 1907, il fut incorporé au 5ème Bataillon d’Afrique, sous le numéro matricule 6470.
Après une altercation avec un officier, il fut emprisonné et mit le feu à sa cellule. Le montant de la dégradation était estimé à 40 francs. Le 5 mai 1908, il fut condamné par 5 voix contre 2 à la dégradation militaire, 15 ans d’interdiction de séjour et 20 ans de travaux forcés au bagne de Guyane. Ayant transité par l’Harrach, un dépôt de forçats situé à Maison carrée près d’Alger, il embarqua à bord de la Loire le 30 décembre 1908. Il arriva en Guyane le 13 janvier 1909.
Il a totalisé vingt années de bagne, dont 3779 jours de cachot, enferré et sans lumières, nourri un jour sur trois : un record absolu ; son surnom, l’« Inco » lui vint de cet entêtement à affronter les agents de l’Administration pénitentiaire et à refuser de se plier à leur discipline et leurs mauvais traitements. Il a ainsi été puni pour des motifs très nombreux. Le commandant du bagne Jarry, le commandant Masse, le gouverneur de la Guyane Chanel… évoquèrent Paul Roussenq dans leurs mémoires ; de nombreux ouvrages sur le bagne et les bagnards parlèrent de Roussenq. Le grand reporter Albert Londres lui consacra un chapitre de son livre Au bagne paru en 1923.
Le 4 octobre 1929, Roussenq fut transféré à Saint-Laurent-du-Maroni, sous le matricule 16185, 4ème catégorie, 1ère section, pour y purger sa relégation.
La mère de Paul Roussenq, en 1929, obtint du Président de la République Gaston Doumergue un geste, mais cela n’eut pas de suites. Le Secours Rouge International mena campagne pour sa libération à partir de 1928 au moins : délégations, manifestations, pétitions, campagnes de la presse communiste… eurent lieu pour obtenir une révision de son dossier. En 1930, les lecteurs du magazine Détectives élirent Paul Roussenq à un concours pour qu’il soit élargi de sa condition de bagnard. En 1930 toujours, les Conseils généraux du Gard et des Bouches-du-Rhône demandèrent son élargissement. Le 6 juin 1930, le Ministère de la guerre ramena la peine de résidence perpétuelle à 4 ans.
En 1932, il fut amnistié et regagna la France le 27 décembre. Le 16 janvier 1933, il revint dans son village natal. Il entama une série de meetings avec le Secours Rouge International et les communistes.
Il fit partie d’une délégation du SRI pour se rendre en Russie Soviétique d’août à novembre 1933. A son retour le SRI lui demanda de rédiger ses impressions de voyage ; Roussenq fit une nouvelle série de meetings, accompagnés parfois de Ghislain*, de Montpellier. Roussenq reprocha au SRI d’avoir censuré ses écrits et ce fut la rupture. Il décrivit ce qu’il avait vu dans un article intitulé « un libertaire en URSS » dans le numéro 5 du journal anarchiste Terre Libre (65 numéros entre mai 1934 et juin 1939). Ce journal, qui connut jusqu’à dix éditions régionales, était réalisé à l’imprimerie coopérative La laborieuse, rue Emile Jamais à Nimes. Son principal artisan était le groupe anarchiste nîmois qui comptait alors André Prudhommeaux* dans ses rangs.
Paul Roussenq vécut dans l’appartement où sa mère était décédée, rue du Puit de Paty à Saint Gilles par intermittence jusqu’en août 1934. Un rapport de gendarmerie le décrivit alors comme « n’ayant guère d’amis, d’une santé délicate, très sobre, d’un caractère paraissant calme, taciturne mais nullement antipathique ». Puis il fut hébergé à Aimargues par le groupe anarchiste local à partir de 1934. Il anima des réunions et causeries dans les groupes anarchistes de l’ALARM (Alliance Libre des Anarchistes de la Région du Midi). Il se lia d’amitié avec André Prudhommeaux à Nimes et Elisée Perrier* à Aimargues. Il fut gérant du journal Terre Libre de 1934 à 1936. Il devint colporteur et quitta Aimargues en mai 1935.
Poursuivi pour des amendes pour défauts de billets de train durant l’Occupation, il fut interné à Fort Barreaux et Sisteron. Hébergé par les époux Louis et Séverine Beaumier dans la Drôme après la guerre, il reprit une vie d’itinérant, non sans avoir pris part à la grève des journaliers agricoles d’Aimargues en avril 1948.
Sa mauvaise santé l’amena à de fréquents séjours en hôpital ; après avoir tenté de se donner la mort à deux reprises à Cannes le 7 juillet 1949, il se jeta dans l’Adour, à Bayonne, le 3 août 1949 et fut enterré le 6 août.
Source : Daniel Vidal, Dictionnaire Maitron des Anarchistes